Au cours de la dernière décennie, les Canadiens ont été témoins d’une foule de percées médicales : réalité virtuelle pour les chirurgiens, introduction de services en ligne et de télésanté, technologies portables, pancréas artificiel pour traiter le diabète de type 1, prothèses imprimées en 3D et introduction de vaccins en temps record pour la COVID-19. Ce sont toutes des réalisations exceptionnelles qui ont transformé l’accès aux soins de santé et la qualité de vie. Bien que nous nous joignions à la célébration de ces progrès transformateurs, nous nous demandons comment nous pouvons accomplir des exploits aussi importants quand, après 14 ans de discussions sur la crise des personnes autistes au Canada et sur la nécessité d’une Stratégie nationale pour l’autisme, celle-ci n’a toujours pas été élaborée.
Il est donc compréhensible que l’Alliance canadienne du trouble du spectre de l’autisme (ACTSA) et ses membres voient dans cette autre élection fédérale ce qui ressemble à un jour de la marmotte.
Une fois de plus, nous demanderons à chacun des principaux partis fédéraux de s’engager à mettre en place une Stratégie nationale pour l’autisme. Une fois de plus, ils accepteront de concevoir et de mettre en œuvre une telle stratégie s’ils sont élus au gouvernement. Une fois de plus, les meilleurs efforts et les intentions les plus louables seront détournés et resteront au purgatoire politique. Et ainsi de suite.
L’expérience d’une pandémie mondiale ayant mis en évidence les lacunes majeures dans le soutien aux personnes autistes au Canada, il est clair qu’une Stratégie nationale pour l’autisme est plus nécessaire que jamais. Ironiquement, cette déclaration fait écho au premier appel officiel à une stratégie, publié en 2007 dans le rapport Payer maintenant ou payer plus tard : les familles d’enfants autistes en crise du Comité permanent sénatorial des affaires sociales, de la science et de la technologie.
En octobre 2020, après plus d’une décennie d’efforts et de militance, le gouvernement canadien a finalement annoncé son intention de procéder à l’élaboration d’une Stratégie nationale pour l’autisme. Près d’un an plus tard, le processus d’élaboration de la Stratégie s’est concentré sur de nouvelles consultations.
Si vous avez l’impression que nous ne sommes pas très optimistes quant à la poursuite des consultations, vous avez raison. Les consultations n’ont pas manqué au cours des 14 années qui ont suivi le rapport sénatorial. Ce qui a toujours fait défaut, c’est un leadership fédéral fort et une volonté manifeste d’amener les provinces et les territoires à élaborer ensemble une approche cohérente pour soutenir efficacement les personnes autistes vivant au Canada, quel que soit leur code postal.
La communauté elle-même est à l’origine de cette volonté et de cet élan de changement, mais nous ne pouvons y arriver seuls.
Bien que nous soyons encouragés par les discussions entourant la révision du crédit d’impôt pour personnes handicapées et par les investissements supplémentaires dans notre programme d’emploi inclusif, Prêts, disponibles et capables, cela ne suffit pas. Nous avons besoin d’une supervision fédérale pour aborder les domaines dans lesquels les gouvernements provinciaux et territoriaux ont des difficultés, notamment les soutiens et les services précoces, la prestation d’une éducation inclusive, la transition vers l’emploi, le logement supervisé, les programmes de santé mentale et la reconnaissance des besoins uniques des communautés marginalisées.
À l’heure actuelle, les provinces et les territoires canadiens fonctionnent en vase clos, avec très peu de cohérence dans les programmes et les soutiens offerts. Il en résulte un accès inéquitable aux services et aux soutiens essentiels pour les enfants et les adultes autistes entre les régions, les provinces et les territoires, ce qui a un impact important sur les familles. Le fait de vivre dans une province peut signifier un accès plus rapide à des services de diagnostic et à des programmes fondés sur des données probantes, tandis que le fait de vivre dans une autre province peut signifier qu’il faut payer de sa poche et à frais élevés des fournisseurs de services privés. Les Canadiens sont donc forcés de se déplacer d’un bout à l’autre du pays pour accéder aux programmes ou aux mesures de soutien fondés sur des données probantes qui, selon eux, aideront au mieux leur enfant.
Une stratégie offrirait à nos dirigeants provinciaux et territoriaux un sursis bien nécessaire ; elle fournirait une approche pancanadienne rationalisée qui repose sur une prise de décision éclairée par les données probantes ainsi que sur l’échange et la diffusion des connaissances, afin de s’assurer que les Canadiens sur le spectre de l’autisme ont un accès complet et équitable aux ressources dont ils ont besoin tout au long de leur vie, quand et où ils en ont besoin.
De toute évidence, les principaux partis politiques sont d’accord, car à l’approche des élections fédérales, ils s’empressent de nous assurer que cette fois-ci, ils sont sérieux, que ce n’est pas que du vent, qu’ils vont vraiment donner suite à l’appel en faveur d’une Stratégie nationale pour l’autisme et veiller à ce qu’elle soit mise en œuvre.
Un enfant autiste né en 2007, lorsque le rapport Payer maintenant ou payer plus tard a été publié, aurait aujourd’hui 14 ans. Selon l’endroit où cet enfant a grandi, l’inscription aux services précoces, les possibilités de s’intégrer pleinement à l’école et l’accès au soutien en matière de santé mentale dépendront de l’endroit où sa famille a choisi de l’élever. En d’autres termes, un autre enfant né autiste la même année dans une autre région du pays aurait pu être confronté à une réalité totalement différente.
Cet accès inéquitable aux soutiens ne peut pas continuer pour d’autres générations à venir.
Alors que nous entrons dans les dernières semaines de ce cycle électoral et que nous voyons notre communauté recevoir de la part des politiciens une autre série de promesses qui ne seront peut-être pas tenues, une citation de Jim Rohn, auteur et conférencier motivateur, nous vient à l’esprit : « Sans un sentiment d’urgence, le désir perd sa valeur. »